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La Mariette de Besdon - XVè siècle, par Jacky METIVIER

 

2016 - La Mariette dans son petit écrin de verdure

Lorsque vous empruntez la route de Mortagne à Moulins, vous pouvez apercevoir au bord de celle-ci, sur la commune de St Hilaire, au carrefour de la voie communale descendant au village de Besdon, un petit monument appelé « la Mariette de Besdon ». Ce petit édifice construit en pierres de Hertré, d’une hauteur d’environ 2.60 m sur une largeur de 1.05 m, a été fait élever ici par les habitants de Mortagne et de la région en souvenir d’un combat bien particulier dont voici le récit.

En novembre 1449, Jean II, Duc d’Alençon et comte du Perche, entra dans le Perche à la tête d’une armée de 3000 hommes pour reprendre possession de ses terres et libérer les places occupées par les Anglais depuis 25 ans. Il assiégea Bellême occupée par une forte garnison anglaise commandée par le capitaine Mathieu Got qui opposa la plus vigoureuse résistance mais finit par rendre la place le 20 décembre 1449. Bellême s’étant rendue, le Duc d’Alençon somma les anglais de quitter Mortagne, ce qu’ils firent à la première sommation. Pour récompenser la docilité de la garnison anglaise qui se trouvait dans cette ville, Jean II voulut lui donner une escorte d’honneur pour l’accompagner au sortir de la cité percheronne. Ils prirent le chemin de Mortagne à Longpont qui, à cette époque, était le plus praticable pour se diriger vers Caen. Après environ une lieue, arrivée près du village de Besdon, au sommet de la côte du moulin de Pont Percé, lequel s’appelait à cette époque le moulin de Prémorin, l’escorte française prit congé des Anglais. Les deux troupes venaient à peine de se séparer quand, effrayé par le bruit, un lièvre se mit à fuir à proximité des Français, dans la direction des Anglais. Les Français, aussi friands de ce gibier que le sont encore leurs descendants, le poursuivirent alors en lui envoyant une volée de flèches. Les Anglais les entendant crier et les voyant courir armes à la main dans leur direction, crurent à une trahison et, faisant volte-face, chargèrent avec fureur les prétendus traitres Français. La petite escorte française aurait succombé si les troupes restées à Mortagne, inquiètes d’un retard si prolongé, n’eussent envoyé au-devant d’elle un renfort qui arriva comme par miracle pour lui prêter main forte. L’arrivée du renfort arracha la victoire aux Anglais dont plusieurs restèrent sur le champ de bataille, le reste cherchant son salut dans une prompte fuite.

Ce combat marqua la fin de la guerre de cent ans dans le Perche. Il était temps, la disette sévissait partout, on n’osait plus cultiver. Depuis près d’un siècle, les habitants vivaient dans la peur des troupes de passage qui détruisaient les récoltes dans le but d’affamer l’adversaire. A la moindre alerte, on sonnait le tocsin et les paysans fuyaient dans les bois. Ils avaient encore en mémoire les violents combats qui avaient dévasté la région en ce début du XVè siècle. La bataille de Sainte-Céronne en 1422 où les Français victorieux firent 1300 morts et 300 prisonniers Anglais entre Sainte Céronne et Tourouvre. Mais surtout la terrible défaite de Verneuil le 17 aout 1424 où 5000 soldats Français furent tués dont un grand nombre de la région, la noblesse percheronne fut décimée et le Duc Jean II grièvement blessé fait prisonnier.

La mariette de Besdon fut donc édifiée en l’honneur de la Sainte Vierge en mémoire et sur le lieu de ce dernier combat. Ce petit oratoire renfermait autrefois une statue de la Vierge tenant l’enfant Jésus dans ses bras qui fut sans doute arrachée vers 1793. Une autre l’a depuis remplacée derrière une grille pour la protéger des mains sacrilèges.

Environ 150 ans après ce combat, un paysan, abattant un vieil orme creux témoin de la bataille, trouva dans le tronc de celui-ci des ossements humains recouverts d’une cuirasse, de gantelets et autres accoutrements d’un soldat anglais sans doute blessé et réfugié dans cet arbre ou bien dont ce fut le lieu de sépulture après le combat.

Le récit fut écrit pour la première fois par Bart des Boulais (1545-1620) dans son « Recueil des Antiquitez du Perche » et a été repris depuis, par plusieurs historiens locaux. En 1885, Guillaume Le Vavasseur en conta l’histoire dans un superbe poème de 240 vers.

L’emplacement était autrefois planté d’ormeaux, il n’en restait plus qu’un seul au début des années 1900, comptant plusieurs siècles d’existence pour ombrager ce petit monument.

  

1992 - la Mariette avant restauration

Agé de près de cinq siècles et demi, l’oratoire s’inclinait légèrement en raison d’une assise devenue instable. Sa restauration a donc été décidée en 1992 par le conseil municipal de Saint Hilaire le Châtel avec l’accord de l’architecte des bâtiments de France, le concours du syndicat intercommunal pour le développement du tourisme dans le Perche (SIDTP) et l’aide financière du Conseil général et du Pays d’accueil du Perche ornais.

Pour cette restauration, le propriétaire du champ où il était situé a cédé gratuitement à la commune son emplacement avec une petite parcelle de terrain attenante. Il a été déplacé de quelques mètres et reposé sur un solide socle au carrefour des deux routes départementale et communale. La croix en fer très rouillée a été remplacée par une croix en pierre de même aspect que l’ensemble du petit monument. En cette fin d’année 1992, la Mariette a donc repris sa position verticale initiale au sommet de la colline, toujours orientée vers l’est et cherchant sans doute à apercevoir le clocher de Saint Sulpice disparu à tout jamais depuis 1926. Après complète rénovation et aménagement du site (plantations d’arbres et arbustes, panneau explicatif), la Mariette de Besdon pourra donc continuer de perpétuer au travers des siècles le souvenir de cette bataille légendaire pour dire à tous ceux qui passeront en ce lieu, comme l’écrivait F. Pitard en 1866 : « haine, haine éternelle au joug étranger ».

    

Sources : Recueil des Antiquitez du Perche par Bart des Boulais (1545-1620) : Fragments historiques sur le Perche, F Pitard, 1866 ; Le Bonhomme Percheron du 6/1/1907 ; Le Mortagnais du 4/1/1914 ; Les environs de Mortagne, A Racinet, 1893.

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