Les curés
Le pouillé conservé aux archives du diocèse de Sées nous fournit la liste des curés ayant officiés à St Sulpice depuis le milieu du XVème siècle jusqu’à la Révolution. (1)
C’est cette liste qui vous est présentée dans le tableau ci-dessous, complétée d’informations provenant d’autres sources.
dates |
curés |
Informations et commentaires |
Avant 1467 |
Jean LAPROIX |
Le pouillé n’indique pas l’attribution de la cure à Jean Laproix mais seulement son remplacement suite à résignation. |
10/5/1467 |
Eustache ROUSSEL |
Attributaire de la cure suite à résignation de Jean Laproix et sur présentation de l’abbé de Tiron |
? |
Jean BLANCHART |
Le pouillé n’indique pas l’attribution de la cure à Jean Blanchart mais seulement son remplacement suite à décès. |
31/1/1526 |
Pierre LE TESSIER |
Suite à décès de Jean Blanchart, sur présentation de l’abbé de Tiron. Précédemment, en 1514, il était curé de l’église St Malo à Mortagne où il fut remplacé par Robert Boudin. (2) |
4/2/1526 |
Jean CHARLOT |
Attributaire suite à décès et sur présentation comme ci-dessus (?) Cette nomination de Jean Charlot, intervenant 4 jours après la précédente nous laisse penser que Pierre Le Tessier n’a pas pris possession de la cure. Pourtant, ainsi qu’il apparait ci-après, c’est bien lui qui se trouve attributaire de droit de cette cure en 1527. |
20/4/1527 |
Pierre LE TESSIER |
Attributaire de la cure qui lui incombe de droit. On le retrouve attributaire de la cure de la chapelle de l’Evêché de Sées le 28/8/1528 où il décèdera en février 1538 (3) |
? |
Bonaventure BELLANGER |
Le pouillé n’indique pas l’attribution de la cure à Bonaventure Bellanger mais seulement son remplacement suite à permutation. Sans doute attributaire de la cure en aout 1528 jusqu’en 1541 En 1558, il est présent lors de la rédaction des coutumes du Grand Perche où il représente l’église de Théval, aujourd’hui rattaché à St Langis lès Mortagne (4) |
24/12/1541 |
Baptiste DUMENIL |
Par permutation avec Bonaventure Bellanger, sur présentation de l’abbé de Tiron |
25/8/1549 |
Charles de VOULGEY |
Par permutation avec Martin DUMESNIL, sur présentation de l’abbé de Tiron. Baptiste Dumenil ou Martin Dumesnil ? |
28/7/1553 |
Pierre LEVACHER |
Par renvoi de Charles de Voulgey, sur présentation de l’abbé de Tiron |
? |
Antoine LE ROY |
Le pouillé n’indique pas l’attribution de la cure à Antoine Le Roy mais seulement son remplacement suite à permutation. |
17/3/1557 |
Mathurin HIREL |
Par permutation avec Antoine LeRoy Mathurin Hirel représentait l’église de St Sulpice lors de la rédaction des coutumes du Grand Perche en 1558. (4) |
? |
Thomas DESJOUIS |
Le pouillé n’indique pas l’attribution de la cure à Thomas Desjouis mais seulement son remplacement suite à renonciation. Il est décédé en juin 1584 à St Sulpice (6) |
12/6/1584 |
Jean DESJOUIS |
Visa provisoire apostolique suite à renonciation de Thomas Desjouis. En 1595, Jean Desjouis, curé de St Sulpice, est présent lors du testament de Michel Boussard (5) et c’est lui qui signe le registre paroissial. |
17/6/1584 |
Pierre ANTEAUME |
Suite à décès de Thomas Desjouis, sur présentation de l’abbé de Tiron. Cette nomination, intervenue 5 jours après le visa provisoire de Jean Desjouis n’a sans doute pas été suivie d’effet, puisque c’est bien Jean Desjouis que l’on retrouve curé de St Sulpice quelques années plus tard. |
29/10/1601 |
Pierre FOSSEY |
Visa provisoire apostolique suite à renonciation de Jean Desjouis. Il est effectivement curé en 1603, dans un procès verbal de visite épiscopale. Il est sans doute décédé en 1609 mais son décès n’a pu être vérifié (absence de l’année concernée dans les registres paroissiaux) |
17/12/1609 |
Michel MALBEUF (MARBEUF ou MARBOEUF) |
Suite à décès de Pierre Fosse, sur présentation des religieux de Tiron. En 1612, une note épiscopale nous confirme que Michel Marbeuf est le curé de la paroisse. En février 1671, dans son testament, il est déclaré comme demeurant toujours au presbytère de St Sulpice mais n’exerçant plus car alité et malade. (5) Il avait d’ailleurs renoncé quelques mois plus tôt en 1670 sans doute pour raison de santé et à cause de son grand âge. Il est peut-être décédé en 1671 à St Sulpice mais son décès n’apparait pas dans les registres paroissiaux dont les années 1662 à 1672 sont absentes. Il était très âgé puisqu’il a exercé de décembre 1609 à septembre 1670, soit plus de 60 ans. C’est donc le prêtre qui est resté le plus longtemps à St Sulpice. |
21/3/1610 |
Guillaume (MESTARIE) |
Visa provisoire apostolique suite à décès de Pierre Fosse Ce visa provisoire est intervenu 3 mois après la nomination de Michel Marbeuf (peut-être pour absence de ce dernier). Aucun document ne permet de vérifier si ce prêtre a officié à St Sulpice. |
25/9/1670 |
Denis OLIVIER |
Visa provisoire apostolique suite à renonciation de Michel Marbeuf. En 1671, il est légataire des habits et charges de Michel Marboeuf, son oncle dans le testament de ce dernier (5) On le retrouve signataire de 1672 à 1693 des registres paroissiaux de St Sulpice où il décède le 3/9/1693 (6) |
10/9/1693 |
François DESMOULINS |
Suite à décès de Denis Olivier, sur présentation des prieurs de Tiron. En 1694, il est désigné comme prêtre de la paroisse dans un legs au profit de celle-ci (5) Le 26/3/1697, il prendra possession de la cure de St Mard de Reno où il est décédé en 1739. Son nom figure dans l’église de St Mard où il fit réaliser des travaux juste avant sa mort. On peut voir ses armoiries dans l’armorial de 1696 : « d’azur à trois fers de moulin d’or deux et un » (7) |
2/8/1697 |
François BELIER |
Visa provisoire apostolique suite à renonciation de François Desmoulins. Il est nommé dans différents procès verbaux de visite, notamment en 1704 et 1710. Il décède le 27 avril 1720 à St Sulpice à l’âge de 67 ans. (6) |
9/5/1720 |
Adrien THORE |
Suite à décès de François Belier, sur présentation des prieurs de Tiron Il n’a jamais pris possession de la cure puisque deux mois plus tard les abbés de Tiron présentent Thomas de la Haye à sa place. |
2/7/1720 |
Thomas de la HAYE
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Suite à décès de François Bellier, sur présentation des prieurs de Tiron. Il décède à St Sulpice le 26 juillet 1743 à l’âge d’environ 67 ans. (6) |
25/7/1743 |
Michel Charles BOURGOIN |
Suite à décès de Thomas de la Haye, sur présentation des prieurs de Tiron |
12/1/1744 |
Abraham Antoine SAUGERON |
Par permutation avec Michel Charles Bourgoin (aucune déclaration de suite). Abraham Antoine Saugeron était curé de Villiers sous Mortagne depuis le 25/10/1723. Le 12/1/1744, Michel Charles Bourgoin alors curé de St Sulpice, ancien vicaire de Villiers sous Mortagne de juin 1736 à sept 1743, se retrouve donc attributaire par permutation de la cure de Villiers. Michel Charles Bourgoin a été curé de Villiers de janvier à fin mars 1744 puis il est revenu à St Sulpice car Abraham Saugeron décéda le 13/1/1744 à 53 ans et ne prit jamais la cure de St Sulpice. (8) Michel Charles Bourgoin décéda à St Sulpice le 10/2/1775 à l’âge de 63 ans où il fut inhumé dans le chœur de l’église.(6) |
24/3/1775 |
François Nicolas ROBERGEL |
Suite à décès de Michel Charles Bourgoin, sur présentation des prieurs de Tiron François Robergel était curé de St Hillaire de Sentilly près d’Argentan. Il ne semble pas avoir pris possession de la cure de St Sulpice. |
3/7/1775 |
Michel Jacques Henri OLIVIER |
Visa provisoire apostolique suite à renonciation de François Nicolas Robergel. Michel Jacques Henri Olivier fut le dernier curé de la paroisse de St Sulpice de 1775 à 1794. Ensuite, les quelques cérémonies religieuses seront faites par le curé de St Hilaire avant la disparition totale de l’église (voir article sur la fin de l’église). En 1794-1795, Michel Olivier fit l’objet d’une procédure judiciaire qui vous est exposée ci-après. |
Procédure contre Michel Olivier
Ex-curé de St Sulpice (5)
Michel Jacques Henri OLLIVIER est né le 6/4/1737 à Ménil Gondouin (Orne), marié le 21/7/1794 à St Sulpice avec Marie Fontaine (35 ans) issue du mariage le 14/2/1760 à St Sulpice de Nully de Robert Fontaine et Marie Ruffre. Ils eurent deux filles : Marie Henriette née le 7/9/1794 et Magdeleine née le 26/3/1796 qui épousa Pierre Bérard en 1814.
Nommé prêtre à St Sulpice en 1775, il prêta serment constitutionnel au début de la Révolution puis renonça à toutes fonctions du culte catholique le 26 ventose an II (16 mars 1794). (9)
Pendant qu’il était encore curé il fut élu maire de St Sulpice pour 2 ans par les citoyens contribuables de la commune le 17/2/1790. Il décéda à St Sulpice le 19/9/1804.
Alors qu’il se présentait en mairie le 24 brumaire an 3 (14 novembre 1794) pour obtenir un certificat de civisme indispensable à l’encaissement de sa pension d’ancien prêtre, Michel Olivier, ex curé de St Sulpice, se le vit refuser par Denis Ruffray maire, François Tiratey et René Gebert représentant le corps municipal, au motif qu’il n’avait aucun civisme et que c’était un calomniateur critiquant l’assemblée nationale.
Par arrêté du 30 brumaire, lesdits officiers municipaux (à l’exception de François Tiratey qui n’a pas signé) renvoyaient Olivier devant les administrateurs du Directoire du district de Mortagne pour le juger sur les faits reprochés, ainsi relatés textuellement en français de l’époque dans l’arrêté :
« c’est un calomniateur qui a critiqué l’assemblée nationale en disant : qu’elle consommoit la France en frais, qu’on y réussiroit jamais ; quelle avoit inventé une guerre pour faire périr beaucoup de jeunes jeans qui étoit bien utile à leur famille ; quelle avoit décrété la liberté mais que jamais on ne seroit libre ; quelle donné des loys qui autoient la liberté , que c’étoit un jeu quelle faice.
Qu’il avoit appareuce quil étoit (Olivier) d’accord avec les brigands de la Vendée, que si ses brigands venoit quil se renderoit bientôt de leur cauté.
Nous avons appris aussi qu’il avoit fait récupéré les titres de la cure auparavant que de les déposer au directoire disant que si l’affaire revenoit qu’il auroit toujours ces titres ».
Les propos contenus dans cet arrêté avaient été rapportés à la municipalité par un nommé Rousselin, agent national pour la commune des Friches (nom donné à la Révolution à la commune de St Sulpice) qui était, en fait, le principal instigateur de cette dénonciation. Quand on connait le pouvoir qu’avait un agent national, il n’est pas surprenant qu’il ait été suivi dans sa dénonciation.
Malgré le soutien à Michel Olivier de six notables de la commune et leurs dépositions en mairie datée du 2 décembre qui « improuvent le refus fait au requérant d’un certificat de civisme », cette dénonciation eut pour conséquences d’engager une longue procédure contre ledit Olivier, dont le déroulement suit.
Le 30 décembre 1794, la dénonciation est transmise par le Directoire du district au juge de paix du canton de Mortagne qui est requis d’instruire l’affaire.
Le 11 janvier 1795, Emmanuel Mercier, juge de paix, auditionne 12 habitants de St Sulpice, précédemment assignés à comparaitre comme témoins.
De ces auditions, il ressort que 11 des 12 témoins, dont 9 issus des familles Gebert et Lefort, déclarent avoir entendu Olivier tenir des propos inciviques dont voici l’analyse (pour une meilleure lecture les propos qui suivront ne sont pas portés dans le français de l’époque compte tenu de la lourdeur de certaines phrases transcrites par le greffier) :
« - s’il avait fait partie des jeunes gens réquisitionnés, il aurait refusé de partir ; c’était une abomination que la Convention fasse périr tous ces jeunes dans une guerre perdue d’avance qui durerait six semaines au plus ; qu’elle en faisait un jeu et les jeunes de son pays natal qui n’avaient pas voulu partir avaient bien fait ; il y avait des traitres à la convention qui étaient d’accord avec les brigands de la Vendée ;
- les gueux de mâtins avaient menti (en parlant des députés) et ne lui feraient pas vendre son bien de la cure dont il avait fait copier les titres par un notaire ; qu’il remettrait ces titres aux familles qui avaient donné les biens. La Nation n’en profiterait pas ;
- ceux qui avaient acheté des rentes de la Nation s’en réjouissaient mais que bientôt ils en seraient attristés ».
Le 13 janvier, un mandat d’arrêt est prononcé par le juge de paix du District de Mortagne à l’encontre dudit Olivier qui est conduit immédiatement à la maison d’arrêt de Mortagne. Il comparait le même jour devant le juge pour un premier interrogatoire et répondre au sujet de ses propos inciviques et contre révolutionnaires. De cet interrogatoire il ressort que Olivier a soit nié ces propos, soit replacé ceux-ci dans leur contexte ce qui en changeait le sens soit encore les a attribués à leurs véritables auteurs.
Le 14 janvier, la plainte et le dossier sont sur le bureau de Louis Pattu, l’un des juges du tribunal d’instance de Mortagne qui fait subir audit Olivier le jour même un second interrogatoire qui ne peut-être rapporté ici compte tenu de sa longueur mais dans lequel il nie de nouveau les faits qui lui sont reprochés.
Le 16, une perquisition a lieu au domicile du citoyen Olivier et du citoyen Fontaine son beau père. Perquisition qui ne donne rien.
Du 18 au 25 janvier, soit pendant une semaine, le juge du Tribunal du district, auditionne 22 autres personnes assignées à comparaitre comme témoins, pour la plupart domiciliées sur la commune des Friches. Cette fois, les réponses sont bien différentes.
- La plupart déclarent « qu’ils connaissent Olivier pour un parfait honnête homme, un très bon patriote et qu’ils ne le connaissent nullement pour un contre révolutionnaire ».
- A commencer par Denis Ruffray, maire, l’un des dénonciateurs, qui ajoute que « l’ex curé a toujours été prêt à se montrer lorsqu’il en a été requis et qu’il a payé exactement ses contributions ». Cependant, il a ouï dire par René Rousselin, René Gébert et René Lefort que ledit Olivier a dit « que les députés étaient des gueux de mâtins et qu’ils avaient décrété la liberté mais qu’on ne l’aurait jamais » et autre propos inciviques en insistant sur le fait qu’il ne dépose ici que par ouï dire.
- Me Baille, notaire à Mortagne, déclare « qu’il a bien fait des copies des titres de la cure à la demande dudit Olivier. Ce dernier lui précisa que c’était dans le but de se procurer le payement des 4% du produit de la vente des biens de la cure qui étaient chargés de fondation conformément à la loi ».
- François Pelletier, maréchal aux Gaillons et trois autres témoins déclarent « qu’un routier de passage avec une voiture de riz s’était arrêté chez lui il y a plus d’un an pour se mettre à l’abri, prendre un petit pot d’eau de vie et allumer sa pipe. Il avait déclaré à la demande d’Olivier également présent, qu’il avait été arrêté entre Laval et Mayenne par les Vendéens mais que ceux-ci n’étaient pas des brigands car ils l’avaient certes retenu quatre jours mais lui avaient offert à manger et à boire du bon vin. Puis ils l’avaient laissé repartir avec son chargement de riz destiné à la municipalité de Paris en disant qu’ils en avaient bien plus besoin qu’eux. Et le routier d’ajouter que les députés étaient d’accord avec eux ». Sans doute Olivier avait-il répété ces propos dans le village, propos que lui attribuait Rousselin.
- Françoise Gebert, nièce de René Gebert, l’un des dénonciateurs et son mari Jacques Victor déclarent « avoir entendu dire à Olivier que ceux qui achètent des biens de la nation sont dans la joie mais qu’ils auront la tristesse … mais qu’ils ne le connaissent pas pour un calomniateur ni un contre révolutionnaire ».
- Fait nouveau, plusieurs autres témoins déclarent « que c’est le résultat d’une haine provenant du mariage dudit Olivier avec la fille Fontaine, nièce de Rousselin qui aurait dit depuis, qu’il fallait que la tête d’Olivier ou la sienne tombe, qu’il n’en démordrait pas. Avant le mariage, (le 21 juillet 1794) Olivier et Rousselin étaient amis, buvaient et mangeaient souvent ensemble. Que ce dernier a depuis essayé de faire casser le mariage qu’il prétendait mal fait parce que la loi exige la signature de quatre témoins. Or, selon Rousselin, il n’était signé que de trois témoins, la quatrième signature étant celle d’une femme, employée du curé, ce qui est non conforme selon lui». Consulté sur ce point les administrateurs du Directoire du district avaient confirmé la validité du mariage.
Michel André Ruffray et Jean Olivier membre du conseil précisent «alors qu’Olivier, avait fourni avec plaisir des planches et ustensiles pour la salpêtrerie de la commune, on avait fait ôter tous les enduits d’une étable et d’une écurie du presbytère pour en extraire les terres salpêtrées, que l’on a ensuite fait abattre ces bâtiments afin de gêner ledit Olivier, le forcer à quitter le presbytère et qu’il avait été obligé de mettre sa vache ailleurs. Cette démolition s’est fait contre le gré du conseil général de la commune ».
Enfin, Magdeleine Esnault, déclare « avoir vu réuni plusieurs fois Denis Ruffray, maire avec Rousselin chez Simon Gébert où elle demeurait précédemment. Ils s’entretenaient souvent sur le compte dudit Olivier. Un jour, elle les a entendu dire qu’il fallait absolument que Olivier parte de la commune ; que l’un d’eux ayant dit que ce n’était pas facile à faire, Ruffray maire répliqua qu’il fallait bien qu’il parte parce qu’on allait jeter ses étables par terre. Gebert ajouta que lorsque les étables seront tombées, l’on abattrait pareillement le presbytère »
René Gebert l’un des signataires de la dénonciation, également appelé comme témoins, déclare « qu’il n’a pas consenti à la délivrance du certificat de civisme ayant entendu de la bouche même d’Oliver des propos contre l’assemblée… ». Suit alors une longue déposition assez largement défavorable à Olivier, la seule parmi ces 22 auditions dans laquelle il précise « qu’Olivier ayant été nommé commissaire de section il a mal fait les estimations et déclarations des biens de manière que des particuliers de la commune ont été écrasé d’impôt et que les municipalités de St Hilaire et de Ste Céronne ont été, sur ordre du département, chargées de vérifier ces opérations qu’ils ont trouvées fausses ».
Le 29 janvier, le juge Louis Pattu procède à un deuxième interrogatoire de Michel Olivier au cours duquel il lui demande quelques précisions notamment sur les évaluations de terre qu’il a faites en tant que commissaire de section. Il aurait trahi la confiance de certains habitants en appréciant plus ou moins bien la valeur des sols selon l’état de ses relations avec les propriétaires et notamment envers René Gebert. Ce à quoi il a répondu « ne jamais avoir eu de préférence pour personne, qu’il a procédé en son âme et conscience sans aucune malversation ».
Malgré les nombreuses déclarations très majoritairement favorables à Olivier dans une affaire qui ressemble plus à un conflit de personnes qu’à une activité contre-révolutionnaire, en exécution de son arrêté du 31 janvier, le tribunal de Mortagne se dessaisit du dossier et transfert la procédure au Comité de Sureté Générale. (Les affaires en charge de ce comité étaient jugées par le tribunal criminel du département qui avait pour mission essentielle de surveiller et punir les crimes de contre-révolution). Décision très grave donc pour Olivier, quand on sait le nombre de prêtres exécutés, envoyés au bagne ou emprisonnés à vie par le tribunal criminel de l’Orne pendant la Terreur. Heureusement pour lui, cette période très mouvementée d’épuration s’achevait suite à l’exécution de Robespierre et ses amis en juillet 1794.
Le 8 mai, puis le 12 juin, Olivier adresse des demandes de remise en liberté aux juges du tribunal du district de Mortagne qui les transmet aux comités de législation et de sureté générale. Dans l’une d’elle, on apprend que les pièces d’instruction de son procès ne sont pas en possession de ces comités et semblent égarées. Une nouvelle expédition de la procédure lui est remise, à ses frais, pour en faire usage près des comités concernés.
Le 24 juin, un plaidoyer de huit pages est établi pour la défense de Michel Olivier au terme duquel il est demandé que justice soit rendue dans les meilleurs délais par le tribunal criminel du département puisque le délit qui lui est imputé n’est appuyé d’aucunes pièces matérielles mais que sur des ouï dire détruits par la généralité des témoins. Celui-ci, signé Olivier, semble avoir été rédigé par Olivier lui-même.
Le 26 juin, l’accusateur public près du tribunal criminel du département de l’Orne adresse la décision dudit tribunal au directeur du juré du tribunal du district de Mortagne, dans les termes ci-après :
« J’ai soumis à l’examen du tribunal la procédure que vous m’avez adressé le 25 prairial dernier … il paroit d’après les dispositions de tous les temoins que si Olivier a commis quelqu’imprudence, les dénonciateurs ont de grands reproches à mériter, soit par la manière dont ils ont dénoncé, soit par la manière qu’ils ont employés pour faire valoir les faits dénoncés et que tout bien apprécié il ne parait pas que la justice doive plus longtemps s’occuper d’une affaire de ce genre, parcequ’Olivier a plus qu’expié les imprudences qu’il aurait pu se permettre ; et qu’il est visible que la dénonciation ne vient que de l’oncle de sa femme et en haine de son mariage ; ainsi la justice qui ne doit point seconder les passions d’autrui mais au contraire doit s’empresser de les éteindre autant qu’il est en son pouvoir pour vous mettre à portée de statuer puisque la loi vous en charge. Je m’empresse de vous faire repasser toutes les pièces que vous m’avez adressé… »
Le jugement de mise en liberté intervint dès le lendemain. Cette procédure aura duré près de six mois pendant lesquels l’ancien curé de St Sulpice fut maintenu aux fers en la maison d’arrêt de Mortagne … pour avoir épousé une jeune femme de sa paroisse.
Le 27 juin, Michel Olivier a enfin retrouvé sa liberté, sa femme et sa petite fille de 10 mois. Il peut de nouveau exploiter les 47 boisseaux de terre provenant de la cure dont il s’est rendu acquéreur en 1792 lors de l’adjudication des biens nationaux.
Il en a donc fini avec la justice. Peut-être pas complètement, car le 2 janvier, il avait lui-même porté plainte contre Rousselin pour avoir subi divers préjudices de celui-ci. Il l’accusait notamment d’avoir voulu faire annuler son mariage, de lui avoir refusé avec le maire un passeport indispensable pour se présenter à un procès à Alençon où il était assigné en témoignage (procès qui opposait Denis Ruffray, maire, à son employé, Louis Thiboust, accusé de l’avoir volé)
Une chose est sûre, une violente haine existait désormais entre Rousselin et Olivier et il devait régner un climat délétère en cette fin du 18ème siècle à St Sulpice entre les amis de Michel Olivier et les amis de René Rousselin.
Sources :
(1) archives diocésaines
(2) BNF Gallica : Histoire religieuse de Mortagne -
(3) BNF Gallica : bulletin SHAO – tome 1
(4) BNF Gallica : Coustumes des pays, comtés et bailliage du Grand Perche
(5) A.D. Orne – cote L 6899
(6) A.D. Orne – registres paroissiaux
(7) BNF Gallica : bulletin SHAO – tome 24 et Armorial de 1696
(8) BNF Gallica : bulletin SHAO – tome 23
(9) A.D. Orne – cote L 2904