La fin de l’église de St Sulpice de Nully
Réunion des paroisses de St Hilaire et St Sulpice
Après la Révolution, suite au projet de réduction des communes, une nouvelle organisation des paroisses est mise en place. Un premier état du 22/11/1800 fait apparaitre que la commune de St Sulpice, comptant 165 habitants devrait être réunie à celle de St Hilaire ayant 761 habitants. En application de la loi du 18 Germinal An 10 (9/4/1802) relative à l'organisation des cultes et à l'état des cures et succursales, un arrêté Préfectoral du 13/2/1803 détermine la nouvelle organisation du Diocèse de Sées, approuvée par le 1er Consul le 22/11/1803 : l’église de St Hilaire devient succursale incluant les territoires des communes de St Hilaire et St Sulpice. La nouvelle paroisse de St Hilaire, formée des territoires des anciennes paroisses de St Sulpice et de St Hilaire est approuvée définitivement par Décret Impérial du 30/9/1807.
La fusion des deux paroisses suivie de la réunion des deux communes de St Sulpice et St Hilaire en 1823 entrainèrent doucement le délaissement et l'abandon de la petite église de St Sulpice.
Un procès verbal de l’état de l’église du 13/12/1803 et un inventaire du 28/8/1804 révèlent qu’elle est dépourvue de tous ornements servant au culte, ceux-ci ayant été vendus, et qu'elle sert désormais de mairie. L'édifice est en bon état et toujours muni d'une cloche qui sert à la publication des lois et en cas d'incendie. (1)
Une délibération du Conseil Municipal de St Sulpice du 11/2/1809, adressée au Préfet du département et à l’évêque de Sées, demandent que l'église soit érigée en annexe ou chapelle rurale afin d'apporter les secours spirituels dont les habitants sont souvent privés par leur éloignement de St Hilaire les Mortagne à laquelle ils sont réunis. En application du Décret Impérial du 30/9/1807, la conservation en annexe n'est possible que si la commune paye le desservant et se charge de le loger, ce à quoi la commune s’oblige dans son arrêté. (2)
En 1810, sur proposition du Préfet de l'Orne, le conseil municipal de St Sulpice émet le vœu de la suppression de la commune et sa réunion à celle de St Hilaire.
En mai 1814, un devis établi pour l'exécution de travaux à faire à l'église de St Hilaire, nous révèle que le paiement serait effectué pour partie par la vente de l'église de St Sulpice évaluée 961 F 26. Par délibération, le conseil municipal de St Hilaire avec avis favorable du conseil de fabrique avait donc déjà envisagé la vente de la petite église. Dans son arrêté du 7 novembre, le sous préfet de Mortagne approuvait la vente de l’église de St Sulpice, vu l’urgence des réparations à faire à celle de St Hilaire et l’importance du devis. (3)
Pour contrer ces délibération et arrêté, une trentaine d’habitants de St Sulpice dont les élus de ladite commune, prennent l’engagement dans une transaction du 17 février 1815, de faire l’acquisition de l’église et du cimetière dans le cas où ces biens viendraient à être aliénés au bénéfice de la fabrique de St Hilaire lès Mortagne. Ils s’engagent à faire cet achat et si besoin les réparations à venir solidairement aux frais de tous et d’en payer le montant par égales portions entre eux tous ou leurs héritiers.
Suite à cette réaction des habitants de St Sulpice, l’église ne sera pas vendue.
En 1816, un inventaire révèle que la cloche est cassée et hors de service mais garnie de ses ustensiles.
Suite à l’arrivée au pouvoir du très pieux roi Charles X en 1824 et malgré la fusion des deux communes en 1823, les habitants de St Sulpice adressèrent en février 1828 une dernière supplique à Mgr l'Evêque de Sées pour l'adjonction d'un vicaire à Mr le curé de St Hilaire afin de l'aider dans ses fonctions et de venir officier plus souvent en l'église de St Sulpice.
Cette demande resta sans doute sans suite et les offices à St Sulpice de plus en plus rares dans cette église dépourvue en partie des meubles, linges et ornements servant au culte. (2)
La dernière inhumation dans le cimetière eut lieu en 1843 et la dernière cérémonie religieuse en 1910. (4)
Vente et démolition de l’église de St Sulpice
En 1914, dans un article publié dans un bulletin de la Société Percheronne d'Histoire et d'Archéologie, René Gobillot nous révèle que l'église est désormais enfouie dans la verdure, la moisissure s'est installée partout et le cimetière est en réel abandon. Malgré quelques carreaux cassés, quelques trous dans la toiture et une arête du clocher brisée, sa conservation est toujours possible selon lui et n'occasionnerait pas de frais trop importants. (5)
Sur ce dessin qui est une copie modifiée du dessin de Goupil de 1914, on aperçoit le clocher légèrement penché et la toiture endommagée.
Les 4 vers de Wilfrid Challemel notés sur celui-ci sont extraits d’un poème intitulé «l’église de La Chaux » publié dans son recueil « Le Promenoir » en 1903. L’église de La Chaux (près de La Ferté Macé) autrefois à l’abandon est aujourd’hui parfaitement restaurée.
En 1924 le clocher s'est effondré et, par vandalisme, un habitant a brisé les derniers carreaux et saccagé les statues restant dans l’église. Elle est désormais ouverte à tous les vents et menace ruine. Elle ne renferme plus aucun objet d'art et son état de vétusté devient tel que le conseil municipal de St Hilaire en décide l'aliénation par délibérations des 7/9/1924 et 25/11/1925. Par décret du ministre de l'Intérieur du 20/4/1926 l'église de St Sulpice cesse définitivement d'être affectée au culte. (3)
Sa mise en vente intervient en octobre 1926 ainsi qu’il apparait sur cette annonce publiée dans le journal « Le Mortagnais » du 3 octobre 1926.
Elle a été adjugée pour le prix de 2680 F à Mr Lebailly, entrepreneur de maçonnerie à Mortagne, qui en entreprit aussitôt la démolition. Les matériaux servirent à construire quelques habitations dans la région. Le grand Christ de l’arc triomphal ainsi que le retable du maître autel ont également été vendus. Nous ne savons ce qu’est devenu le reliquaire en bois de St Sulpice qui a disparu.
Le journal « Le Mortagnais » dans un article du 3 octobre 1926 lui avait rendu un dernier hommage en citant René Gobillot et son plaidoyer publié 12 ans plus tôt dans le bulletin de la Société Percheronne d’Histoire et d’Archéologie. De nouveau en 1927, René Gobillot avait publié un article dans un bulletin de la Société Percheronne d’Histoire et d’Archéologie dans lequel il s’était ému du sort de cette église et lui avait également rendu un dernier hommage en regrettant « que tout cela se soit passé au milieu de l’indifférence … et que les habitants de St Sulpice de Nully aient laissé échapper l’âme même de leur histoire ». (6) Pourtant, comme nous l’avons vu ci-dessus, un siècle plus tôt, les habitants de St Sulpice avaient multiplié les démarches pour maintenir leur église et avaient ainsi réussi à prolonger son existence.
Cette démolition fut également mentionnée dans un article du Figaro du 27 janvier 1932. Cet article nous apprend qu’en réaction à cette démolition, et pour en éviter d’autres, des personnalités et historiens ornais s’organisèrent pour aider à la sauvegarde des édifices religieux du département. En 1929, à l’initiative de Georges Creste fut fondée dans l’Orne la première « Association pour la conservation des monuments religieux ». Avec l’appui de la Société historique et archéologique de l’Orne et de la Société percheronne d’histoire et d’archéologie, sous la présidence d’honneur de Mgr Pasquet, évêque de Sées, cette association recueillit pendant de nombreuses années des cotisations et dons et aida ainsi les communes dans l’entretien et la sauvegarde de leurs églises. La fin de l’église de St Sulpice aura au moins eu l’avantage d’être un élément déclencheur pour la sauvegarde d’autres églises en péril.
Sources :
(1) A.D Orne : série V
(2) A.D. Orne : cote E dépôt 205/
(3) A.D. Orne : série Z
(4) A.D. Orne : cote O 695
(5) BNF-Gallica – bulletin SPHA – tome XIII
(6) BNF-Gallica – bulletin SPHA – tome XXV