1)  entre les familles de ROHARD et de GISLAIN

(1597 / 1610)

 

Présentation de la famille de GISLAIN >

Charles de GISLAIN était seigneur de Boisguillaume et de la Gastine en Soligny la Trappe et seigneur de Corbion et du Houssay en St Aquilin de Corbion. Il avait épousé en 1552 Catherine BOUJU dont il a eu 4 enfants :

- Robert, fils ainé qui deviendra seigneur de Boisguillaume ;

- Jean qui deviendra seigneur du Houssay ;

- Judith qui épousera ci-dessous Jacques de ROHARD ;

- Marguerite qui deviendra dame du Boulay (voir généalogie de GISLAIN   )

Charles de GISLAIN est décédé avant 1589 et son épouse avant 1600.

 

* Au sujet du mariage de Jacques de ROHARD avec Judith de GISLAIN (1597)

 Le jeudi 4 septembre 1597, Jacques de ROHARD, écuyer, sieur de Villemoys et de Pigeon demeurant paroisse de St Hilaire et Judith de GISLAIN (fille du défunt Charles de GISLAIN, seigneur de Boisguillaume et du Houssay), demeurant au lieu du Houssay, paroisse de St Aquilin,  s’unissaient par le sacrement du mariage en l’église Notre Dame de Crot (Croth - Eure) en présence de Jacques Meunier, curé de ladite paroisse de Crot et de plusieurs parents et amis.

Le même jour, ils avaient procédé à la rédaction de leur contrat de mariage devant Me Hué, tabellion juré au bailliage et châtellenie de Sorel (aujourd’hui Sorel-Moussel – E et L) en présence de Jehan Morel, avocat au bailliage de Dreux, bailli et châtelain de Sorel.

Jacques de ROHARD s’était probablement épris de Judith quelques années plus tôt, alors qu’il était domestique dans la maison de Robert de GISLAIN, frère aîné de ladite Judith. Mais Robert de GISLAIN et son frère Jean n’approuvait pas du tout le mariage de leur sœur avec leur ancien serviteur.

Les deux frères de GISLAIN avaient intenté une action en justice contre Jacques de ROHARD dans le but de faire annuler le mariage pour les motifs ci-après énoncés :

  • Ils l’avaient accusé de rapt, déclarant que pendant qu’ils étaient au siège d’Amiens à lutter avec l’armée française au côté d’Henri IV contre les troupes espagnoles, Jacques de ROHARD avec l’aide de son père, accompagnés de dix ou douze hommes armés, avait enlevé leur sœur Judith.
  • Il s’en était suivi un mariage clandestin sans aucune proclamation de bans et sans leur consentement qui aurait dû être requis selon les coutumes, d’autant plus qu’il y avait inégalité de biens entre les deux familles.
  • De plus, il y avait parenté entre les deux époux qui nécessitait une dispense du clergé. En effet, l’église interdisait les mariages consanguins, c'est-à-dire entre personnes ayant un ancêtre commun jusqu’au 4ème degré inclus. Or, les deux époux avaient un ancêtre commun en la personne de Jean de GISLAIN époux de Marie Danez, arrière-arrière grand père de Jacques (4ème degré) et arrière grand père de Judith (3ème degré). Voir arbre ci-dessus.

Par décret, défaut, sentence et jugement des 8,9 et 23/9/1597 et 27/1/1598, prononcés par le bailli du Perche, ledit Jacques de ROHARD fut condamné à la peine de mort par contumace, n’ayant pas jugé utile de se présenter à l’audience et d’assurer sa défense.

Il fit immédiatement appel de ce jugement et déposa une requête près de la cour du parlement de Paris. Et cette fois, il était présent à l’audience avec son père, également jugé en première instance.

Après avoir entendu Jacques de ROHARD et examiné toutes les pièces communiquées,  la cour déclara nul le précédent jugement, selon les propos suivant rapportés tels qu’ils sont déclarés dans son arrêt du 11 mars 1598 « … il n’y a lieu de faire un procès criminel aux appellans ; a mis s’il plaise à notre cour en mettant les appellans en sentence de mort donnée par contumace et toutes les proceddures criminelles au néant, mettre les parties hors de cours et de procès. Nostre court en la chambre de l’édit par son arrest a mis et met les appellations et ce dont este appellé deffault, sentence et contumace et ce qui s’en est ensuivy au néant sans amende …».

En effet, la cour avait considéré :

  • qu’il n’y a pas eu de rapt vu le grand âge de la demoiselle qui avait plus de 30 ans et dont l’amour de celui qui est accusé de rapt a commencé depuis 5 ou 6 ans pendant qu’il était  domestique dans la maison du frère aîné de la demoiselle ;
  • que ce qui serait à condamner en la personne d’un serviteur de basse condition ne peut se dire contre l’appelant qui est reconnu gentilhomme voir parent de la demoiselle ;
  • que la demoiselle a fait son devoir en suppliant ses frères pour les faire condescendre à l’accord de son mariage avec ledit sieur de Villemoys, gentilhomme de leur connaissance. Consentement qui ne pouvait être requis que par nécessité d’honneur et non par nécessité de précepte. En effet, la loi et les coutumes exigeaient le consentement des parents (ascendants) au mariage de leurs enfants. Mais ce consentement, même en l’absence des ascendants décédés, ne pouvaient pas être exigés par les collatéraux (frères) surtout lorsque ceux-ci ne lui avaient pas trouvé mari avant l’âge de 25 ans ;
  • qu’en ce qui concerne le lien de parenté, la dispense a été obtenue au vus et sus des frères GISLAIN et le mariage solennisé en face de Sainte église. En effet, ils avaient obtenu dispense de 3è à 4è degré d’affinité et consanguinité, approuvé par Louis du Moulinet, évêque de Sées le 27/8/1597.

L’arrêt de la Cour du parlement de Paris du 11 mars 1598 confirmait donc le mariage de Jacques de ROHARD avec Judith de GISLAIN.

 

* Au sujet d’un partage des successions de leurs parents et aïeule (1600)

Une animosité était née de ce procès et persistait entre les deux familles puisque deux ans plus tard, ce sont les deux récents mariés de ROHARD - de GISLAIN qui s’opposaient à Robert de GISLAIN, principal héritier de Boisguillaume, dans le partage de succession de leurs ascendants. Ils lui demandaient des droits qu’ils prétendaient avoir sur :

  • des biens meubles et immeubles dans la succession de défunte Catherine BOUJU, leur mère ;
  • des biens meubles dans la succession de Charles de ROHARD, leur père ;
  • des biens meubles dans la succession de Perrette des LOGES, leur aïeule ;
  • des parts et portions reçus par Robert de GISLAIN du défunt Charles de SURMONT, (ex tuteur des enfants dudit Robert mais dont le lien familial n’a pas été retrouvé) ;
  • ainsi que la fourniture de bois par Charles à sa sœur sur les terres de Boisguillaume, et des fermages à elle dus par le sieur de Boisguillaume pour le lieu de la Geslière.

L’affaire s’est toutefois arrangée à l’amiable aux termes d’une transaction entre les parties le 19 juin 1600, dont le contenu n’est pas ici rapporté et qui portait essentiellement sur des biens meubles (partage de nombreux bijoux en or d’une valeur non négligeable dont une partie reviendra à Judith de GISLAIN).

 

* Au sujet des droit de Judith de GISLAIN épouse de ROHARD dans la métairie du Boulay  (1607-1610)

Au décès de Charles de GISLAIN, c’est son fils aîné Robert qui, en application du droit d’ainesse, avait reçu la majorité des biens dont la seigneurie de Boisguillaume. Selon l’usage, les 3 enfants puinés se partagèrent donc le reste de la succession : Jean recevant la seigneurie de Houssay et Marguerite la métairie du Boulay (probablement située paroisse de Soligny).

Marguerite de GISLAIN, célibataire, dame du Boulay, est décédée avant 1607, sans postérité, laissant ses frères et sœur héritiers.

Or, selon la coutume du Perche, en succession collatérale, l’aîné ne recevait rien de l’héritage d’un puiné dont la succession des biens reçus des ascendants revenait aux autres puinés. Toutefois, les « puinées femelles » ne pouvaient y prétendre si ces biens étaient « tenus à foy et hommage », c'est-à-dire relevant d’un autre fief. Ils revenaient alors en totalité aux « puinés mâles ». Les « puinées femelles »  ne pouvaient prétendre à l’héritage d’un frère ou d’une sœur que si le bien était « roturier » et ne relevait d’aucun autre fief.

Au vu de ce qui est ci-dessus rappelé, Jean de GISLAIN, considérant que cette métairie était « féodale et soumise à foy et hommage », en tant que seul frère puiné, se déclara l’unique héritier de Marguerite, en excluant ainsi sa sœur Judith. Ce que contesta vivement Judith de GISLAIN déclarant que cette terre était roturière et qu’elle en était donc héritière pour moitié avec son frère contre lequel elle engagea une procédure.

Alors qu’elle avait engagé les poursuites contre son frère Jean, Judith de GISLAIN décédait vers la fin de l’an 1607 (son mari recevant la garde noble de ses enfants mineurs le 29/1/1608). A défaut d’avoir fourni les justificatifs nécessaires, celui-ci au nom de ses enfants mineurs, était débouté par arrêt du 23/8/1608 de la demande en héritage sur la terre du Boulay. Mais le conflit sur cet héritage de Marguerite de GISLAIN dura plus de trois ans et fit l’objet de plusieurs arrêts en divers parlements.

Suite à ce premier jugement, Jacques de ROHARD, au nom de ses enfants avait déposé une requête pour se pourvoir contre ledit arrêt. Le 25/1/1609, la Cour du Parlement de Paris déclara, au vu des actes antérieurs produits, « que la mestairye du Boullay soit roturière et que non noble et qu’elle n’ayt jamais esté tenue en aulcune féodalité et que jamais ne s’en soy veu ny ne s’en veroit aulcuns adveu, dénombrement, acte de foy et hommage ny quictance de rachapt d’icelle qui sont les merques infaillibles de féodalité et que par conséquent les femelles y doibvent succéder en succession collatéralle comme les masles suivant la coustume du Perche ». Par cet arrêt de la Cour, les enfants de ROHARD pouvaient donc faire valoir leurs droits, en représentation de leur mère décédée, dans la succession de Marguerite de GISLAIN.

Le 2 juillet 1609, Jacques de ROHARD déposait une nouvelle requête près du Parlement de Paris, à laquelle était jointe trois nouvelles pièces justifiant que la métairie du Boulay était roturière et non féodale. Cette démarche ayant été rendue nécessaire suite aux continuelles poursuites engagées contre ses enfants par Jean de GISLAIN, déclarant toujours que la métairie du Boulay était féodale et lui revenait en totalité, ignorant l’arrêt de la Cour ci-dessus.  D’ailleurs à cette date deux instances intentées par ledit GISLAIN étaient toujours en cours près la Cour du Parlement de Paris. Pourtant, un autre arrêt donné par le juge de Moulins le 26/2/1609 allait dans le même sens que celui du 25 janvier mais une nouvelle fois Jean de GISLAIN interjeta appel de cette décision près du parlement de Rouen. Dans sa requête, Jacques de ROHARD déclarait au nom de ses enfants « que ledit Jehan de GISLAIN leur suscite une infinité de procès de jour en jour en plusieurs et divers lieux tant en ce parlement qu’en Normandye en continuation de la mauvaise volonté qu’il a de tout temps porté à ladicte deffunte leur mère  pour les consommer en fraicts et faire perdre tout leur bien et s’en rendre par ce moien pocesseur … recherchant de plus en plus tous moyens de les ruyner … ».

Enfin, par arrêt du 12/6/1610 de la Cour du Parlement de Paris, Jacques de ROHARD a obtenu une saisie arrêt et compensation à l’encontre de Jehan de GISLAIN, ne pouvant être payé des deniers que lui devait ledit de GISLAIN.

 

2) entre les Sgrs de Pigeon et les Sgrs de Mauregard

(de 1600 à 1789)

De vives oppositions sont nées entre les seigneurs de Pigeon, en tant que seigneur de St Hilaire et les seigneurs de Mauregard, en tant que seigneurs de Vorré. Celles-ci ont entrainé de nombreuses contestations de part et d’autre qui ont commencé vers 1600 pour se terminer près de deux siècles plus tard, à la Révolution qui, de fait, éteindra les motifs de contestation.

Ces contestations regardaient 3 chefs :

Pour tenter de comprendre ces contestations, il est bon de rappeler les droits de propriété de chacun.

Au 15ème siècle, Pierre de VORRE était seigneur et propriétaire de sa seigneurie de Vorré dont dépendaient, entre autres, les fiefs et hommages des Fontaines ayant formé par la suite, la seigneurie de St Hilaire.

En 1491, il vendit à Marie de SALLES épouse de Jean de GISLAIN, seigneur de Boisguillaume, ces fiefs ainsi dénommés « fiefs et hommages des Fontaines et du moulin bannal de St Hilaire avec toutes leurs appartenances et dépendances … et touts droits seigneuriaux appartenants audit fief et hommage …  sans que ledit Vorré ses hoirs ou ayant cause y puisse jamais aucune chose demander  et tiendront dudit de VORRE sous une foy et hommage …»

Par successions, Claude de GISLAIN, seigneur de St Mars, en devint propriétaire au début du 17ème siècle. Ce dernier les revendit en 1646 à Charles de ROHARD, seigneur de Pigeon sous cette dénomination : « la terre et seigneurie de St Hilaire et le moulin à bled en dépendant avec les hommages nommés Jambart, Ronel, Lercetel et la Gervaisière, circonstances et dépendances desdittes terre et seigneurie de St Hilaire, moulin à bled et hommages en ce droit de justice sur iceux,  ... et sans aucune chose en réserver ni retenir … et tous droits honorifiques en l'église de St Hilaire, etc ... »

Par ces actes, les seigneurs de Pigeon, devenus propriétaires de la seigneurie de St Hilaire, restaient soumis aux déclarations de foy et hommage et droits de rachat aux seigneurs de Vorré dont ils dépendaient.

En 1510, ledit Pierre de VORRE, avait vendu sa seigneurie de Vorré avec les fiefs et justice en dépendant (dont les fiefs ci-avant) à Thibault MALLET, seigneur de Mauregard. Par héritages et ventes successives, Vorré fut la propriété des familles de THIBOUST, BARIL et de VANSSAY, seigneurs de Mauregard et de Vorré. C’est donc à ces seigneurs de Mauregard, devenus seigneurs de Vorré, que devaient rendre foy et hommage les seigneurs de Pigeon pour ladite seigneurie de St Hilaire.


* en ce qui concerne les droits honorifiques en l’église de St Hilaire et les droits de justice du seigneur de St Hilaire

En 1601, Jacques de ROHARD, seigneur de Pigeon (déjà vu dans la précédente procédure) avait déposé réclamation contre le seigneur de Vorré qui était alors à l’époque Louis de GISLAIN, seigneur de St Mars (un cousin des Robert et Jean ci-avant) pour l’ordre de préséance à l’église et la distribution du pain bénit. Une sentence arbitrale du bailliage de Mortagne de 1601, déclara que le seigneur de ROHARD ne pouvait prétendre aux honneurs à l’église de St Hilaire comme seigneur de Pigeon et ordonna que le pain bénit serait mis sur l’autel.

Après la vente en 1646 de la seigneurie de St Hilaire, des contestations étaient survenues entre Charles de ROHARD, seigneur de Pigeon (acquéreur de la Sgrie de St Hilaire), Claude de GISLAIN, seigneur de St Mars (vendeur), Jean de THIBOUST, seigneur de Mauregard et le curateur de Barbe de THIBOUST, demoiselle de Vorré pour savoir à qui appartenaient les droits honorifiques de l’église de St Hilaire. Lesdites parties désignèrent trois arbitres (Mrs Abot, de Gruel et de la Puisaye) en leur donnant pouvoir de régler et juger leurs différents et procès déjà engagés près du Parlement de Paris.

Les arbitres donnèrent leurs conclusions dans un procès verbal du 12/1/1659, après consultation de trois avocats du Parlement de Paris, déclarant :

  • que les fiefs des Fontaines, moulin de St Hilaire et autres fiefs voisins également dénommés « seigneurie de St Hilaire », sont mouvants de la seigneurie de Vorré et soumis à foi et hommage envers Barbe de THIBOUST, demoiselle de Vorré ;
  • que ladite demoiselle ne peut contester au sieur de Pigeon, la qualité de seigneur de St Hilaire qui possède moyenne et basse justice sur lesdits fiefs ;
  • qu’elle ne peut elle-même y prétendre aucune justice ;
  • que le sieur de Pigeon, à cause de sa seigneurie de St Hilaire, aura l’avantage de la marche à l’offrande et procession et la préférence à la distribution du pain bénit et de l’eau bénite avant le seigneur de Vorré.

La dame de Vorré furieuse de ces dispositions, fit se soulever plusieurs vassaux de la seigneurie de St Hilaire contre le seigneur de Pigeon, leur faisant contester son titre de seigneur de St Hilaire. Celui-ci fit alors saisir féodalement plusieurs de ces vassaux. A la suite de quoi s’en est suivi une multitude de sentences arbitrales des 17/8/1660,  2 et 7/10/1660, 22/1/1661, 28/7 et 1/8/1663 pour la plupart interjetées en appel près de la cour du Parlement. Laquelle cour, par son arrêt contradictoire du 26/3/1667 a mis à néant lesdits appels, les déclarant sans effet et a jugé irrévocablement que Charles de ROHARD était seul seigneur de l’église et paroisse de St Hilaire.

Mais chaque mutation par décès, qui devait être suivi de déclaration de foi et hommage, entrainait contestations, sentences, appels, … . Il en fut ainsi pour Jacques de ROHARD, héritier en 1669 de Charles de ROHARD et aussi lors de la prise de possession de Vorré par Jeanne Barbe de Gogué, héritière de Barbe de THIBOUST. Cette fois le conflit se termina par une transaction le 3/6/1698 dans laquelle la dame de Vorré reconnaissait au sieur de ROHARD sa qualité de seigneur et patron honoraire de l’église de St Hilaire dont le contenu fut confirmé par sentence du bailliage de Mortagne le 10/3/1699, à la demande de René BARIL, nouveau propriétaire depuis octobre 1698 de Mauregard et Vorré. Le sieur BARIL accepta cette sentence qui s’imposait à lui, mais pour une très courte durée.

Ainsi qu’il a déjà été dit, c’est le Roi qui avait droit de haute justice sur les terres de St Hilaire et Vorré relevant de sa châtellenie de Mortagne. Or, un édit royal d’avril 1702 déclara la vente des hautes justices dépendantes des domaines du Roi. C’est ainsi qu’un arrangement vit naissance dans un traité daté de 1702 entre le seigneur de St Hilaire - Pigeon et le seigneur de Mauregard et Vorré pour l’acquisition chacun pour moitié de la haute justice de St Hilaire. A la suite de quoi, ils prirent chacun le titre de coseigneur haut justicier de St Hilaire. Situation nouvelle qui donna au sieur Baril des intentions d’appropriation de droits sur la seigneurie de St Hilaire, puisque dans un aveu au Roi Louis XV du 23/3/1717 pour ses seigneuries de Mauregard et Vorré, il y inscrivait la haute, moyenne et basse justice de St Hilaire avec droits honorifiques dans l’église. Contre cette usurpation, Jacques de ROHARD forma opposition le 14/5/1717. Enfin, par billet de la même année rédigé par le sieur BARIL, ce dernier déclara qu’il n’entendait pas déroger à la sentence de 1699 accordant au sieur de ROHARD la qualité de seigneur et patron de l’église de St Hilaire.


* en ce qui concerne la déclaration de « foi et hommage »

Conformément à la règlementation de l’époque et à l’article 36 de la coutume du Perche, les déclarations de foi et hommage devaient se faire au chef-lieu (château, manoir …) du seigneur du fief dominant ou à défaut de chef-lieu ou lieu certain, à la porte de l’église.

En 1670, Jacques de ROHARD fit sa déclaration de foi et hommage pour la seigneurie de St Hilaire à Barbe de THIBOUST, dame de Vorré, à la porte de l’église, comme tous ses prédécesseurs, considérant que la seigneurie de Vorré n’avait pas de chef-lieu.  La dame de Vorré blâma (refusa) cet aveu et la sentence qui suivit déclara cette foi et hommage à la porte de l’église bien faite sauf à ladite dame de la requérir de nouveau à la maison de Ronel, si elle le jugeait à propos. En effet, par retrait féodal , Barbe de THIBOUST avait prit possession en 1664 d’une maison à Ronel précédemment comprise dans la seigneurie de St Hilaire. Retrait féodal que contestait Jacques de ROHARD (pour des motifs non exposés ici compte tenu de leurs complexités).

Vers 1760, le sieur Jean DUBREUIL fit sa déclaration de foi et hommage au nom de sa femme et de l’indivision de ROHARD au sieur de VANSSAY à la porte de l’église.

Le sieur de VANSSAY contesta l’irrégularité de cette déclaration notamment en ce qui concerne la forme (au nom de l’indivision) et le lieu (à la porte de l’église). A la suite de quoi il fit une « saisie féodale » sur les fiefs composant la seigneurie de St Hilaire.

Le sieur DUBREUIL s’opposa à cette saisie en contestant point par point les motifs invoqués par le sieur de VANSSAY et en s’appuyant sur une sentence arbitrale du 17/8/1660, considérant notamment que la maison de Ronel était mouvante  de la seigneurie de St Hilaire et par conséquent ne pouvait devenir le chef lieu du fief de Vorré. Je n’ai pas retrouvé le jugement de ce nouveau conflit.  A noter cependant que jusqu’à la Révolution, contrairement à ce que semblait avancer le sieur DUBREUIL, une maison située à Ronel faisait bien partie directement de la seigneurie de Vorré et aurait donc pu en être le chef-lieu.

 

* en ce qui concerne la propriété du fief de Vitry (ou Vitray)

Ainsi qu’il est dit ci-dessus, Jacques de ROHARD avait fait en 1670 sa déclaration de foi et hommage pour la seigneurie de St Hilaire à Barbe de THIBOUST, dame de Vorré, dans laquelle il avait inclus le fief de Vitry (lieudit disparu situé à Ligny).

Un siècle plus tard, Jacques DUBREUIL, seigneur de St Hilaire Pigeon déclarait au sieur de VANSSAY, seigneur de Vorré, qu’il avait des droits sur ce fief de Vitry comme faisant partie de sa seigneurie. D’après lui, il avait été compris dans les ventes de la seigneurie de St Hilaire de 1491 et 1646 puisque selon ces propos : « l’universalité de tous les fiefs et hommages qui composent la seigneurie de St Hilaire a été vendue  sans en rien retenir ni réserver… ». Quoique non désigné nommément, selon lui ce fief de Vitry était inclus dans sa seigneurie par cette formulation évasive.  De plus, la sentence arbitrale de 1660 et l’arrêt contradictoire de 1667 avait confirmé ce fait, toujours selon les propos du seigneur de St Hilaire qui semblait faire une interprétation particulière desdits documents.

Or, en 1664, Claude de GISLAIN, seigneur de St Mars, avait rendu foi et hommage pour le fief de Vitry à Barbe de THIBOUST, dame de Vorré. En 1676, il vendait ledit fief de Vitry à René de CATINAT. Lequel fief de Vitry était parvenu à la famille BARON. Philippe BARON avait rendu aveu pour ce fief en 1736 à René BARIL, seigneur de Vorré ; puis Madame BARON épouse GOUJEON au sieur de VANSSAY, seigneur de Vorré, en 1768.

Tous ces documents nous démontrent que le fief de Vitry était bien soumis pour ses propriétaires à foi et hommage vers la seigneurie de Vorré dont il dépendait mais qu’il n’avait jamais été la propriété du seigneur de St Hilaire dont la mauvaise foi, sur ce point, semble avérée. (1)

 

 

Sources :

(1) Archives départementales 61 – série 14 J : chartrier famille de ROHARD

 

 

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