La Seigneurie de Mauregard apparaît dans les écrits depuis le début du 12ème siècle. Elle dépendait, comme beaucoup de seigneuries de la région, de la châtellenie de Mortagne appartenant aux comtes du Perche à qui les seigneurs de Mauregard devaient rendre « foi et hommage ».
En 1226, à la mort de Guillaume, dernier comte du Perche de la famille des Rotrou, le comté du Perche fut réuni avec celui d’Alençon, à la couronne de France. Dès lors, au cours des siècles qui suivirent, et ce jusqu’à la révolution, les seigneurs de Mauregard durent rendre foi et hommage soit aux rois, soit aux princes de sang royal ayant reçu le comté du Perche en apanage.
En complément d’information, voir le tableau des comtes du Perche et rois (annexe 1 ci-après) à qui les seigneurs percherons, relevant de la châtellenie de Mortagne, ont rendu foi et hommage et fait déclarations d’aveu et dénombrement pendant plus de cinq siècles.
En 1717, c’est d’ailleurs en ces termes que René Baril, seigneur de Mauregard, avait fait sa déclaration d’aveu au tout jeune roi Louis XV, comte du Perche. Dans cet aveu, il reconnaissait tenir de lui : « à foy et hommage, rachapt et cheval de service, à toutes mutations de vassal, nuement et sans moien, à cause des châteaux et châtellenies de Mortagne, ses fiefs, terres et seigneuries de Mauregard et Vorré, circonstances et dépendances, dont les chefs-lieux sont assis en la paroisse de St Hilaire les Mortagne, au pays du Grand Perche, consistant en domaine fieffé et non fieffé, justices, cens, rentes et corvées. »
Une note sur la seigneurie de Mauregard, rédigée en 1893 par le marquis de Beauchesne pour le compte de Mr Ratel alors propriétaire du château de Mauregard, nous apporte beaucoup d’informations sur les propriétaires successifs et la consistance de cette seigneurie.
Celle-ci, complétée notamment par la documentation des archives départementales et communales, permet de vous présenter l'histoire du domaine de Mauregard dans les deux articles ci-après :
- les seigneurs et propriétaires de Mauregard du XIIème siècle à aujourd'hui (art 1 -) ;
- les biens de ladite seigneurie, l'ancien manoir, le château du XIXème et son environnement (art 2 - ).
NB : pour les profanes en droit féodal et la bonne compréhension de ces articles, il est utile de consulter la définition succincte des termes et mots anciens contenus dans ceux-ci en se reportant à l'annexe 2 ci-dessous.
annexe 1 :
annexe 2 :
Droit féodal sur la propriété
Cette annexe ne reprend ci-dessous que très succinctement les principes du droit féodal sur la propriété et la définition des termes et mots anciens qui y sont associés.
I - La Propriété en droit féodal : inféodation - fief - fief noble - fief servant ou mouvant – domaine fieffé - seigneur féodal – seigneurie – tenure – vassal -
II - Les droits du seigneur féodal : banalités (moulin banal) – corvée – droits de chasse – droit de fuie ou colombier - droits de rachat – droit de taille – retrait féodal – saisie féodale – honneurs à l’église – respect dû au seigneur – titre -
III – Les droits de justice seigneuriale : haute justice – moyenne justice – basse justice – droit de déshérence – droit de coutume – moulin banal -
IV – Les obligations du vassal (obligations vassaliques) : foi et hommage – rachat de fief – aveu et dénombrement – cheval de service – taille – cens -
I - La Propriété en droit féodal
Le système féodal, mis en place au cours du moyen âge définissait, selon le principe de l’inféodation, deux types de propriété :
- la propriété directe ou éminente : ensemble des droits que conserve un propriétaire qui concède la propriété utile à un tiers ;
- la propriété utile : ensemble d’obligations envers le propriétaire direct et de droits sur le bien de celui qui l’exploite et en recueille les fruits.
Inféodation d’un bien consistait donc, pour son propriétaire, à en céder à autrui la jouissance perpétuelle, en s’en réservant certains droits, en soumettant le preneur à certaines obligations et en lui accordant également certains droits.
L’ensemble des biens et droits détenus par le vassal étaient énumérés dans la déclaration « d’aveu et dénombrement ». Ils pouvaient donc varier selon les accords passés entre les seigneurs et leurs vassaux lors de ce dénombrement qui pouvait être « blamé » (contredit) par le seigneur dans le délai de 40 jours, lorsque notamment les droits du vassal empiétaient sur ceux du seigneur.
Fief : ainsi était dénommé le bien détenu simultanément par deux propriétaires :
- le cédant (seigneur féodal propriétaire du fief dominant) qui en conservait la propriété directe, on disait alors qu’il en avait « la directe » ;
- le preneur (vassal, nouveau propriétaire du bien appelé fief servant) qui en avait la propriété utile.
Fief noble : un fief pouvait être noble et son possesseur avait le droit de prendre le titre de seigneur (par exemple seigneurie dépendant d’une baronnie ou d’une châtellenie).
Fief servant, également dénommé « fief mouvant » : fief souvent issu d’une seigneurie dont il dépendait. Le fief servant pouvait également devenir fief dominant à l’égard d’un autre fief cédé à autrui et dépendant de lui. Ce dernier prenait la dénomination d’arrière-fief.
Fieffé, domaine fieffé : bien qui est tenu en fief par un vassal.
Seigneur féodal : propriétaire d’un fief dominant, d’une seigneurie d’où un ou plusieurs autres fiefs relèvent.
Seigneurie : domaine foncier et ensemble de droits et pouvoirs exercés par le seigneur sur ce domaine. Elle était constituée :
- d’une réserve seigneuriale (attribuée à l’ainé mâle des héritiers dans les successions en vertu du droit d’ainesse) comprenant le château ou manoir, et tout bâtiment compris dans le circuit dudit château avec terre et bois proches appartenant directement au seigneur.
- des droits seigneuriaux attachés à l’ensemble de ce domaine comprenant les droits de justice, de fuie ou colombier, de chasse, banalités, garenne, étang, moulin …
- de tenures : autre partie de la terre appartenant au seigneur occupée et cultivée par des tenanciers.
- de tous les fiefs mouvants et arrière-fiefs dépendant dudit domaine (attribués pour partie aux puînés dans les successions) dont le seigneur conservait la propriété directe et les attributaires ou acquéreurs (vassaux) en avaient la propriété utile ainsi qu’il est défini ci-dessus.
Tenure : mode de concession d’une terre, en vertu duquel une personne (tenancier) n’en possédait que la jouissance à titre précaire moyennant paiement de redevances (cens ou rentes).
Vassal : propriétaire du fief servant, pour raison duquel il est tenu à certaines obligations et devoirs envers le seigneur féodal. Un homme devient vassal d’un autre par la prise de possession d’un fief servant et par la cérémonie de « foi et hommage ».
II - Droits du seigneur féodal
Les droits du seigneur féodal s’exercent sur l’ensemble de son domaine y compris sur les fiefs mouvants en tant que propriétaire direct et dominant – parmi les droits du seigneur féodal, on distingue deux sortes de droits : les droits utiles et les droits honorifiques.
* Droits utiles qui comprennent notamment les :
Banalités : monopole de la part du seigneur des fours, forges, moulins (moulin banal)… auxquels les habitants du domaine ont l’obligation d’y faire moudre leur grain, cuire leur pain, réparer leurs outils … Le seigneur s’engage à construire et entretenir moulins, fours, forges ; en échange les habitants s’engagent à ne pas aller ailleurs moudre leur grain, etc…et donc à lui payer ce service.
Corvée : journée de travail que le seigneur est en droit d’exiger de ses tenanciers.
Droit de chasse personnel du seigneur dans toute l’étendue de son domaine.
Droit de fuie ou colombier : monopole réservé au seigneur de détenir un colombier ou fuie pour y élever des pigeons. Le colombier était un bâtiment massif en pierre ou colombage et la fuie était un colombier avec en général une seule petite ouverture.
Droit de rachat : droit dû au propriétaire du fief dominant lors des mutations qui arrivent de la part du vassal (vente, succession,…). Ce droit est versé par le nouveau vassal.
Droit de taille : impôt que peut prélever le seigneur dans certaines circonstances (mariages de ses filles, rachat du seigneur fait prisonnier par l’ennemi, voyage d’Outre mer et chevalerie du seigneur)
Retrait féodal : droit d’option que le seigneur féodal peut exercer lorsque son vassal vend le fief. Dans ce cas, le seigneur reprend la propriété utile du fief qui se trouve réunie à la propriété directe qu’il possédait déjà. Il devient alors fief de plein droit.
Saisie féodale : droit du seigneur féodal de saisir les revenus du fief du vassal qui ne lui a pas rendu « foi et hommage » ou qui n’a pas respecté ses obligations.
* Droits honorifiques qui comprennent notamment :
Honneurs à l’église : le seigneur direct a droit d’avoir un banc à l’église, derrière le seigneur justicier ; de recevoir le pain bénit ; d’aller à l’offrande ; de prendre rang des processions et cérémonies avant le peuple.
Respect dû au seigneur : qui a droit au respect de ses justifiables qui lui doivent le salut.
Titre : les seigneurs directs peuvent prendre le nom de leur fief.
En complément de ces droits, le seigneur féodal pouvait bénéficier de droits de justice et droits associés, variables selon le niveau de justice dont il disposait.
III - Droits de justice seigneuriale
En plus des divers droits du seigneur féodal, celui-ci pouvait détenir un droit de justice sur son domaine. Il existait 3 sortes de justice seigneuriale : la haute, la moyenne et la basse justice, appliquées selon le droit féodal et les coutumes du Perche.
Haute justice : le seigneur haut justicier intervenait pour toutes actions civiles et criminelles sur le territoire de sa seigneurie. Pour l’exécution de sa justice, il devait avoir un lieu certain et convenable ainsi que des juges et greffiers par le ministère desquels il exerçait cette justice. Il pouvait avoir un gibet (fourches patibulaires à deux piliers) et devait avoir une prison sûre.
Il possédait également les droits de moyenne et basse justice.
Moyenne justice : justice seigneuriale pour toutes actions personnelles et délits punis d’amende, voir de prison.
Basse justice: justice seigneuriale de compétence purement civile, concernant les devoirs féodaux et seigneuriaux entre le seigneur et ses sujets.
Les seigneurs justiciers bénéficiaient également des droits ci-dessous :
Droit de coutume : redevance payée sur chaque bête à quatre pieds nourrie, achetée et livrée dans l’étendue du fief du seigneur justicier
Moulin banal : selon les coutumes du Perche, le seigneur justicier, comme le seigneur féodal, pouvait avoir un moulin dans sa seigneurie et contraindre ses sujets d’y aller faire moudre leur blé (voir aussi « banalités » § II).
Droit de déshérence : c’était un droit que seul pouvait exercer le seigneur haut justicier ainsi que le Roi, lors d’une succession vacante par défaut d’héritiers. Le bien d’un défunt sans héritier et sans testament revenait au seigneur haut justicier.
IV - Obligations du vassal
Le vassal, par la prise de possession d’un fief (propriétaire utile du fief servant) était soumis envers le seigneur ou propriétaire direct à déclaration de « foi et hommage », « rachat de fief » et « aveu et dénombrement ».
Foi et hommage – la déclaration de « foy et hommage » était due pour toutes mutations de vassal, propriétaire d’un fief, par mort ou autrement, en ligne directe ou collatérale (cf « Coustumes du Grand Perche de 1558). C’était une cérémonie au cours de laquelle le vassal prêtait serment et jurait fidélité et dévouement absolu à son seigneur, à raison de quoi le vassal devenait l’homme de son seigneur. En contrepartie, le seigneur lui laissait la propriété d’un fief (fief servant) relevant de sa seigneurie (fief dominant). Le vassal avait des devoirs envers son seigneur qui devait assurer sa protection. L’hommage n’était donc pas héréditaire, il devait être renouvelé à la mort du seigneur ou du vassal par son (ou ses) héritier(s). La cérémonie était publique et devait avoir lieu en général au manoir seigneurial ou, à défaut, à la porte de l’église.
Rachat de fief : en complément de cette déclaration, le vassal devait proposer le rachat du fief pour lequel il présentait foi et hommage. Pour la province du Perche, le montant du rachat était établi selon un barème fixé lors de la rédaction des « coustumes du Perche ». Tout était estimé : arpent de pré, bois, habitation, colombier, garenne, étang, moulin, droits divers, animaux, livre de beurre, boisseau de blé, etc …
Aveu et dénombrement : la déclaration de foi et hommage était suivie de la déclaration d’aveu et dénombrement dans laquelle le vassal « avouait » sa vassalité et « dénombrait » ou énumérait dans le détail les droits et possessions qui composaient son fief servant détenu de son seigneur tant en domaines, qu’en rentes, servitudes, droits, arrières-fiefs, etc…
Par cette énumération, le dénombrement est la source principale qui permet de connaître les droits seigneuriaux et la consistance des fiefs.
Quand une mutation advenait du côté du seigneur, du fief dominant, le nouveau seigneur pouvait exiger ces déclarations mais dans ce cas les droits de rachat n’étaient pas dus.
Cheval de service : selon la coutume du Perche, à chaque mutation de vassal, le nouveau vassal devait fournir un cheval au seigneur pour aller à la guerre. Ce service pouvait être acquitté moyennant le versement d’une somme de 60 sols 1 denier.
Taille : impôt prélevé par le seigneur dans certaines circonstances (mariages de ses filles, rachat du seigneur fait prisonnier par l’ennemi, voyage d’Outre mer et chevalerie du seigneur)
Cens : redevance annuelle ou rente perpétuelle due au seigneur direct par celui (censitaire) qui détient un bien dudit seigneur en vertu d’un bail à cens ou autre concession soumise à cens.
rédigé et mis en ligne le 20/1/2018 par J. Métivier
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